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Резюме

Vladimir Kataev. La France et Tchékhov, homme et écrivain

Le scepticisme de Tchékhov vis-à-vis des soi-disant détenteurs de vérité de tous bords est par nature analogue au doute méthodique cartésien, à la volonté de distinguer le vrai du faux; en cela s'exprime une parenté profonde entre une certaine tradition intellectuelle typiquement française et l'attitude de l'écrivain devant le monde. Mais le dialogue de Tchékhov avec la France et la culture française ne s'est développé que progressivement.

Le mythe de la France, tel qu'il apparait dans les stéréotypes russes, est l'une des cibles de la parodie tchékhovienne dans les oeuvres de jeunesse. Dès sa première pièce le jeune Tchékhov sait échapper à l'emprise du système théâtral dominant la scène contemporaine, le mélodrame français. Reste à étudier tout un ensemble, encore inexploré, de contacts littéraires entre Tchékhov et des prosateurs françis de second rang, aujourd'hui oubliés, mais qui étaient en vogue à l'époque et faisaient l'objet de traductions et de discussions.

Plus encore que tel ou tel texte ou tel auteur, c'est la littérature française dans son ensemble qui a exercé son influence dans la formation de Tchékhov homme et écrivain. Si dans sa technique narrative Tchékhov, assimilant les leçons des maîtres de la prose française (notamment de Maupassant qu'il avait en haute estime) a surpassé ses modèles, il est un point sur lequel il est resté définitivement redevable à la littérature française: c'est en elle qu'il a su trouver l'exemple «de la liberté et du courage d'écrire comme on en a envie», ce qui était à ses yeux l'essence même de la création.

Enfin le dialogue le plus direct de Tchékhov et de la France s'est instauré lors des quatre voyages qu'il a fait dans ce pays. Situation traditionnelle que celle de «l'écrivain russe à la rencontre de la France», mais ici encore Tchékhov se montre original. Seul parmi tous les grands écrivains russes de son temps, Tchékhov a su non seulement s'orienter dans le réseau fort complexe des forces qui s'affrontaient autour de l'affaire Dreyfus—Zola, prenant place aux côtés des meilleurs en France, mais encore il a su voir la portée de l'Affaire et son sens inquiétant pour l'avenir dans des déclarations qui, aujourd'hui encore, restent une mise en garde toujours actuelle.

Victor Éroféev. Le mythe de la France chez Tchékhov

Le problème de l'identité nationale dans la littérature russe après Pouchkine n'a pas trouvé d'expression adéquate au niveau de la prise de conscience; chez un Gogol ou un Dostoievski c'est un sujet douloureux, en grande partie enfoui dans le subconscient. Bien que l'élément réflexif soit chez lui beaucoup plus marqué, le rôle du subconscient n'en demeure pas moins trés important chez Tchékhov, d'où une attitude fort complexe et contradictoire vis-à-vis de ce problème. L'image de la France dans ses oeuvres (que l'on y considère l'emploi de la langue française, les personnages de la langue française, les personnages de Français ou les jugements émis sur la France), garde beaucoup des clichés du subconscient russe. Cette non-élucidaton du conscient et de l'inconscient, cette présence du mythe et des stéréotypés de la tradition russe sont autant de limites à la liberté d'esprit de Tchékhov.

Tatiana Kniazevskaïa. L'image de la France

L'article est une étude de l'image de la France dans les récits et dans la correspondance de Tchékhov, considérée du point de vue de son fonctionnement dans le texte de l'oeuvre comme un système de coordonnées par rapport auquel se situe l'évolution des personnages, du mode de vie et des moeurs. Cette image de la France comme système de référence ne prétend pas mettre en oeuvre une multiplicité de critères, et reste strictement pragmatique.

On examine particulièrement le caractère didactique de cette image dans la correspondance de Tchékhov, où il «délivre son enseignement» à ses correspondants en recourant à une France considérée cumme une sorte de projection idéale.

Клод Фриу. современность Чехова

Творчество Чехова воспринималось вначале как одышка «великой литературы» XIX в. (Толстой, Бальзак): выбор малой формы, вкус к подробному описанию, к детали. Затем образ благоразумно-натуралистического Чехова был присвоен социалистическим реализмом. Эти различные академические интерпретации подвергались сомнению Маяковским, Эренбургом, режиссерами, недавними работами исследователей.

Чехов не нейтрален; его недоверие ко всяким идеологиям, ко всяким готовым системам не означает безразличия по отношению к ценностям. Опыт художника не башня из слоновой кости, напротив, но позволяет получить конкретное видение человека как противоядие идеологиям. Идеалом Чехова является не искусственное поторапливание приближения «сияющего будущего», но стремление дать реальным ценностям время постепенно проникать в повседневную жизнь.

Жерар Коньо. Рассказы Чехова: поэтика мгновенного

Разрушив традиционное построение истории, снабженное «началом и концом», Чехов совершил разрыв с теми великими русскими романистами, которые ему предшествовали: Достоевским и Толстым. Но в первую очередь освобождение рассказов Чехова от аристотелевского миметизма находит свое выражение в поэтике обыденности, имеющей своим источником диалектику мгновенного и протяженного и ведущей к целому ряду фундаментальных перестановок между содержанием и формой, конкретным и абстрактным, случайностью и необходимостью, фабулой (событийным содержанием) и «сюжетом» (повествовательной конструкцией). Временная фрагментация, разбивая искусственную связность, порождает автоматизм восприятия, ощущение однородной длительности, буквально лишенной смысла и направления. Чехов изображает в своих рассказах персонажей, застывших в неподвижном времени, где все изменения в конечном итоге уничтожаются, поглощаются. На вопрос Поля Рикера о значении, о смысле кризиса художественного вымысла Чехов уже ответил: ни катастрофа, ни обновление, но энтропия.

Однако в некоторых рассказах показаны проявления милосердия, которые прерывают течение «разбитой жизни». Эти прорывы во времени свидетельствуют о вмешательстве чего-то святого в безумную жизнь. Как и у Пруста, эти мгновения внутренней полноты являются зачастую результатом воспоминания, которое вырывает людей у слепого детерминизма и придает форму и смысл пережитому опыту. Тем самым Чехов как бы говорит о том, что спасение в художественном творчестве, которое разбивает покровы привычек и условностей. Он сам дал пример этого, свернув шею романтической риторике и открыв экспериментальную прозу следующего века.

Romain Nazirov. Les parodies de Tchékhov et la littérature française

Les parodies du jeune Tchékhov comprennent «Les Iles volantes» (parodies des récits fantastiques de Jules Verne) et un brillant divertissement «Mille et une passions. Dédié à Victor Hugo». Tchékhov ne nourissait pas alors de vénération excessive à l'égard des noms les plus illustres de la littérature française. Mais, à mesure que murissaient ses facultés créatrices, il adoptait peu à peu un style de parodie plus discret et plus fin, inventant des procédés neufs et originaux.

Le récit de Tchékhov «En mer» est une suite polémique unique en son genre au roman de V. Hugo «Les Travailleurs de la mer» après son final tragique. Tchékhov remet secrètement en question le sens du sacrifice de Giliatt et découvre l'abîme qui sépare l'esthétique romantique des sympathies de principe pour le peuple qui seront toujours les siennes.

L'exemple le plus complexe, à nos yeux, d'un mode de parodie délicat, voire respectueux, se trouve dans le récit de Tchékhov «Душечка» dont la source remonte, de l'avis général, au roman de La Fontaine «Les Amours de Psyché et Cupidon», en passant par le poème d'Hippolyte Bogdanovitch «Душенька» Mais ce lien extérieur et clairement parodique masque un emprunt plus profond: la structure du récit de Tchékhov reprend fidèlement celle de la fameuse nouvelle de Gustave Flaubert «Un Coeur simple». Tchékhov transpose le drame de la servante au dévouement sans limite sur un plan érotico-psychologique. Cependant, dans chacune des deux nouvelles, on voit représenté un amour qui se dissout dans son objet et qui, après avoir perdu tout objet possible, se contente d'un succédané inadéquat.

Zinovy Paperny. Le sens et le non-sens de la vie chez Tchékhov et Maupassant

Ce thème a été traité dans de nombreux travaux d'auteurs soviétiques de ces dernières années, en particulier d'un point de vue sociologique. Cependant, le thème social chez Maupassant se mêle constamment à l'idée de l'absurdité de la vie en général. De ce point de vue, on compare le roman «Une vie» à la nouvelle de Tchékhov «Trois années» (1895). En bref, «Une vie» de Maupassant est plus pessimiste que la nouvelle de Tchékhov «Trois années». Cependant, cela ne veut pas dire que Tchékhov soit supérieur à Maupassant, car personne n'a encore démontré que l'optimisme est supérieur au pessimisme. Dans la réalité, la vie triomphe aussi bien de la mort, que la mort de la vie. On aborde le thème du sens et du non-sens dans l'existence tchékhovienne, en comparant les récits de Maupassant «Le collier» et d'autres, aux micro-sujets tchékhoviens que l'on trouve dans ses Notes.

La conclusion est une tentative pour répondre à la question: qu'a apporté le «pessimiste» Maupassant à l'«optimiste» Tchékhov?

Vladimir Lakchine. Tchékhov et Maupassant jugés par L. Tolstoï

Pour le Tolstoï des années 90 dont la réflexion sur l'esthétique tendait à en faire partie intégrante de la conception du monde à laquelle il était parvenu, l'oeuvre de Maupassant en France et celle de Tchékhov en Russie constituèrent une pierre d'achoppement. Ce n'est pas un hasard s'il a consacré un article à chacun de ces écrivains.

En tant que lecteur averti, doué d'une grande sensibilité, Tolstoï était profondément impressionné par ces deux écrivains, mais en tant que philosophe et propagateur d'une foi, il formulait des arguments très critiques et pas toujours très convaincants à leur endroit. Il met en parallèle Tchékhov et Maupassant pour les présenter comme des écrivains qui «ignorent ce qui est bien et ce qui est mal». Leurs oeuvres étaient devenues pour lui un problème qu'il lui fallait résoudre à tout prix car elles risquaient de contredire sa conception d'un art richè de contenu social et religieux comme forme de création suprême et seule véritablement authentique. Ceci d'autant plus qu'à la différence de Shakespeare, par exemple, Maupassant et Tchékhov lui étaient tous les deux proches par leur écriture, la finesse de la psychologie, le réalisme des détails. C'est leur exemple qui lui a suggéré sa définition du talent comme attention en éveil, faculté de voir «quelque chose de nouveau, quelque chose que les autres ne savent pas voir». Mais c'est précisément en se fondant sur l'art de Tchékhov et de Maupassant qu'il formule sa loi sur la supériorité de l'art sur l'«idée» et la «théorie». Désirant bénir, l'artiste maudit (cas de Maupassant). A l'inverse c'est lorsqu'il désire maudire qu'il bénit («Душечка» de Tchékhov).

Maria Rév. Deux variantes du «Roman de carrière» («Bel ami» et «Ionytch»)

L'architechtonique de «Bel Ami» est une guirlande de nouvelles tressée de main de maître; le récit «Ionytch» est construit comme un roman en miniature. L'histoire du personnage russe diffère de la variante française en ce que Georges Duroy, si impitoyable soit-il, jouit de la vie alors que la vie de Ionytch est monotone et ennuyeuse. Dans «Bel Ami» l'espace s'élargit avec chaque nouvelle victoire de Duroy, alors que dans Ionytch il se rétrécit à mesure que se réduisent les intérêts du héros. L'histoire de Maupassant est plus divertissante, celle de Tchékhov fait davantage penser: en dévoilant la banalité et le vide d'une vie, Tchékhov évoque un contenu plus universel et suscite une réaction, éveillant a contrario chez le lecteur le désir d'une vie pourvue de sens.

Флоранс Гойе. Роль неожиданной развязки в новеллах Чехова и Мопассана

Неожиданная развязка часто рассматривалась как существенный признак жанра новеллы. В ней либо видели характерную особенность жанра, либо определяли по отношению к ней различные разновидности жанра: тексты, завершаемые неожиданной развязкой, и тексты «открытые». У Чехова, как и у Мопассана, однако, неожиданная развязка является лишь проявлением, переносом на поверхность глубинной структуры, которая организует видимую цельность повествовательной новеллы. Эта структура, которая является одним из отличительных свойств жанра, основывается на напряженном противопоставлении, которое резко сталкивает две грани текста, два изображаемых в нем мира. Неожиданная развязка — тот момент, частый, но не необходимый, где это напряжение «снимается». В этом смысле она является мощным ускорителем процесса, но ни в коем случае не первым и не единственным.

Это показано в равной мере на анализе новелл «открытых», не имеющих развязки. Когда они являются повествованиями, основанными на анекдоте, эти новеллы не отличаются от новелл, завершаемых неожиданной развязкой. В них та же антитеза двух противостоящих миров, та же глубинная структура. Предельно открытые концовки могут производить, как, например, в «Иветте» и «Даме с собачкой», эффект, сходный с неожиданной развязкой.

Жан бонамур. «Чайка» и Мопассан

Мопассан, которого цитируют персонажи «Чайки», постоянно присутствует в пьесе, и его произведения, особенно два упоминаемых текста («Бродячая жизнь» и «На дне»), сыграли важную роль в чеховском творчестве.

Многие темы пьесы Треплева точно соответствуют текстам Мопассана. Пессимизм Мопассана и особенно острая чувствительность «лирического героя» этих текстов близки Треплеву. Тема ненавистной Эйфелевой башни связана с темой подлинного Искусства (в противоположность искусству «потребительскому») и ведет к общему суду над эпохой художника, находящегося с ней в разладе.

Бунт «лирического героя» (эпизод с криком «занавес!», общий у Чехова и Мопассана) ведет к перемене перспективы; публика участвует в «мировом спектакле». Эта перемена существенна для пьесы Треплева, построенной на оппозиции между подлинным Искусством, неопределенностью Пространства и Времени, с одной стороны, и обыденной жизнью, замкнутым пространством театра «с тремя стенами», с другой.

Текст Мопассана о писателе-«крысе», читаемый Аркадиной, относится не только к процессу литературного творчества, о котором в другом месте говорит Тригорин. Он прямо связан с отношениями между Аркадиной, Тригориным и Ниной. Рассуждение Мопассана, цензурованное Аркадиной, выражает полное подчинение Тригорина актрисе и, следовательно, неизбежность его разрыва с Ниной.

На всех уровнях эти различные темы находятся в оригинальном синтезе с шекспировскими темами (Гамлет, театр в театре, Полоний). Чехов усваивает их, сохраняя разоблачительную силу мысли и остроту зрения Мопассана, но он смягчает их выражение, переводит в подтекст. Можно сказать, что он одновременно «индивидуализирует» проблемы и делает их «универсальными».

Классик «серебряного века» Чехов является европейским писателем современности.

Жаклин де Пруайар. Чехов и Доде

Большая фотография, висящая на стене мелиховского кабинета прямо над столом писателя, свидетельствует о тайном уважении Антона Чехова к Альфонсу Доде. Первая половина статьи посвящена истории именно этой фотографии. Затем автор переходит к систематическому изучению упоминаний о Доде в сочинениях Чехова: от первой неодобрительной ремарки рецензента, который противопоставлял Антошу Чехонте «элегантнейшему Альфонсу Доде», до Франции и Доде, как они представлялись молодому Чехову, до чтения Доде героями Чехова, до тонких критических оценок произведений Доде в переписке Чехова.

Некоторые письма осени 1889 г. Плещееву и Суворину свидетельствуют о живом интересе, который проявил Чехов к последней пьесе Доде «Борьба за жизнь» в то время, когда он, ввиду предстоящей поездки на Сахалин, должен был отложить рассказ «на тему о любви», будущую «Дуэль». Сравнение двух текстов показывает, до какой степени близко позиции Чехова решительное осуждение аморализма социал-дарвинизма, сделанное Доде в его трагикомедии. Ему оставалось преобразовать этот французский сюжет, приспособив его к русским реалиям и дав свою трактовку в повествовательной форме. Если бесспорно, что в основу образа фон Корена из «Дуэли» положены черты зоолога Вагнера, столь же вероятно, что этот персонаж отдаленно восходит к Полю Астье из пьесы Альфонса Доде.

Emma Polotskaïa. Les racines françaises du personnage de Ranevskaïa («La Cerisaie»)

«La Cerisaie» est peut-être la plus russe des pièces de Tchékhov (cf. la situation historique: souvenirs du servage, imminence des réformes, agitation estudiantine au tournant du siècle: les personnages: le marchand «а-typique», le thème du «vagabond»), le sujet même — la vente de la propriété — est lié au contexte de la culture nobiliaire russe (mais annoncé par la vente précédente de la villa de Menton).

Il est possible néammoins de chercher des sources françaises à la pièce, dont l'idèe est née chez Tchékhov après un séjour de plusieurs mois en France. Le caractère de Ranevskaïa est très contradictoire: elle «sait» mais «ne peut pas», allie rationalité et impulsivité. Ses impulsions relèvent d'éléments «innés», teintés par la religiosité orthodoxe, et d'éléments acquis en milieu catholique.

L'entourage de Ranevskaïa perçoit souvent ces éléments français de sa personnalité à travers le prisme d'une image stéréotypée de la «Française». Ces remarques sont confirmées 1) par les impressions, d'ordre biographique et littéraire, de Tchékhov en 1897—1898, 2) par le jeu des actrices de l'époque qui ont joué le rôle de Ranevskaïa (V. Korteze, N. Nerri, A. Démidova, lu. Dentch).

Anatoli Sobennikov. Tchékhov et Maeterlinck (La philosophie de l'homme et du monde)

Tchékhov et Maeterlinck partagent le même intérêt pour les problèmes essentiels de l'existence. La conception de l'homme, chez l'un comme chez l'autre, accorde la première place à des notions telles que «l'homme simplement homme» et «la vie en général». Mais leurs voies sont différentes: Maeterlinck s'attache à peindre la condition humaine et non point l'élément personnel, individuel en l'homme; Tchékhov a individualisé ses héros au maximum, a vu en eux ce qu'ils avaient d'«atypique» et par là même, paradoxalement, dévoile l'essence de la condition humaine. Tous les deux ont incarné une conception du tragique nouvelle dans le drame européen. Le tragique selon Maeterlinck réside dans le fait même de l'existence quotidienne. Tchékhov lui aussi traite du tragique au quotidien mais chez lui ce sont des hommes bien vivants qui «déjeunent», tandis que chez Maeterlinck ce sont des marionnettes. Le «quotidien» a acquis dans son oeuvre le caractère d'une catégorie métaphysique hors de l'espace et du temps historique. C'est Tchékhov qui a su révéler des lois générales de l'existence, de l'être-au-monde, à travers des formes de vie nationales et historiquement concrètes.

Robert L. Jackson. Tchékhov et Proust: pour une problématique de la question

Précurseur de Proust, Tchékhov explore la subjectivité de la perception et des sentiments en montrant le rôle du temps phénoménologique dans la vie de la conscience. Les souvenirs et les processus psychologiques qu'on trouve chez certains personnages de Tchékhov les font participer à un univers d'allusions, de parfums et (surtout) de poésie dans lequel Espace et Temps conventionnels cessent d'exister; mais Tchékhov, à la différence de Proust, n'en continue pas moins à affirmer le caractère objectif de la vérité et de la réalité. C'est précisément cette approche pas seulement poétique mais aussi tragique — qui différencie Tchékhov de Proust.

Le récit «Верочка» pose le problème du temps phénoménologique, exporé auparavant dans «Каштанка» du point de vue de l'homme et de sa destinée. Tchékhov décrit la montée irresistible des souvenirs chez le héros principal, la subjectivisation totale de la réalité, comme une catastrophe psychologique. L'intérêt passionné pour les souvenirs, même s'ils tendent à poétiser ou à idéaliser la réalité, mène chez lui à la mort spirituelle.

Pour Ognev comme pour Proust la réalité véritable est subjective. Mais la subjectivité de son univers n'est que le résultat de son éloignement du monde qui l'entoure, situation que Tchékhov décrit comme tragique.

Rolf-Dieter Kluge. Du sens de l'attente (Le théâtre de Tchékhov et «En attendant Godot» de Beckett)

La pièce de Samuel Beckett «En attendant Godot», comme les drames de Tchékhov, accorde une place décisive au thème de l'attente; les deux écrivains concentrent leur attention sur l'essentiel et l'exceptionnel dans la vie humaine reléguant l'action dramatique à l'arrière-plan. L'attente chez Beckett est un mode de l'existence absurde de l'homme: l'avenir apparait en dernier ressort comme fin, comme mort, comme but de toute vie. Mais d'un autre côté l'homme ne peut vivre en se contentant du présent et sans espoir dans l'avenir. Face à ce savoir paradoxal les héros de Beckett réagissent par une attente obtuse et fataliste, par le refus de toute réflexion. Chez Tchékhov au contraire l'inévitable destin que constitue l'attente s'accompagne d'une espérance consolatrice et — ce qui est encore plus important — d'action pour ses héros, ne serait-ce que dans une mesure limitée et modeste: ne pas seulement attendre des changements mais aider à leur réalisation. En cela est l'humanisme et l'actualité de l'oeuvre de Tchékhov, et c'est pourquoi ni Beckett ni le théâtre contemporain de l'absurde n'ont surpassé son théâtre.

Мишель Кадо. Начало знакомства с Чеховым во Франции

Цель сообщения — дополнить обширные исследования о восприятии Чехова во Франции, принадлежащие Софи Лаффит и Н.С. Егорову. Особое внимание уделено парижской периодике 1885—1905 гг. Изучение велось в трех направлениях: переводы рассказов и повестей, переводы драматических произведений, комментарии к личности и творчеству Чехова. В результате найдены многие переводы 1899—1905 гг., не отмеченные советским академическим изданием Чехова; как показал Филипп Барон в «La Revue de littérature comparée» в 1979 г., «Три сестры» были сыграны в Париже на русском языке уже в 1902 г.; наконец, впервые познакомил Францию с Чеховым не Жюль Легра в 1895 г., а Станислав Ржевуски в 1888 г.

Evgvenia Sakharova. Denis Roche — traducteur de Tchékhov

Il s'agit de la publication de onze lettres (1897—1900) adressées à Tchékhov par Maurice-Denis Roche (1868—1961), homme de lettres, critique d'art et traducteur français, et d'une lettre du même adressée au frère aîné de Tchékhov, Alexandre. Les lettres intéressent l'histoire des traductions françaises du vivant de l'écrivain et de la réception de son oeuvre à l'étranger, notamment celle des récits et nouvelles des années 80—90. Il faut mentionner particulièrement les informations données sur le travail de Roche traducteur du recueil «Les Moujiks» (1901) avec illustrations d'ilia Repine. Sont également cités diverses apprécitations des traductions et des éditions de Roche (par Paul Boyer, André Beaunnier, M.M. Kovalevski, F.D. Batiouchkov etc.), pour la plupart inédites.

Marietta Tchoudakova. Tchékhov et la prose française des XIX—XX siècles dans le processus littéraire de la russie des années 20—30

Durant les dix années qui suivirent la révolution, Tchékhov parut appartenir organiquement à cette vie d'autrefois qui était condamnée à disparaître. Cette «tchékhovchtchina» (mode d'être tchékhovien: introspection, psychologie, demi-teintes) était alors perçue comme l'antithèse de la littérature française dans ce que celle-ci a de plus spécifique: hardiesse du trait, éclat des couleurs, mise en relief du détail. C'est ainsi, en écrivain de «type français», qu'apparut Babel, avec son talent pour décrire ce qui dans la littérature russe était avant lui indescriptible. Les écrivains russes des années 1920 recherchaient dans la prose française du XX siècle la hardiesse des descriptions, l'élimination des demi-teintes et de la traditionnelle pudibonderie de la littérature russe, désormais devenue «hors de propos». Mais à partir des années 30 ce rôle libérateur dévolu à la littérature française n'est plus de saison. La tradition classique russe, présentée dans un emballage bien précis, évince peu à peu l'influence «étrangère». Apparait un nouvel ordre du jour: «se mettre à l'école de Tchékhov», un Tchékhov lui aussi aseptisé à cette époque, sans les miasmes de la «tchékhovchtchina».

Леонид Геллер. Чехов на экспорт: его образ в советской франкоязычной периодике в эпоху Жданова (1948—1953)

Как каждая художественная система, социалистический реализм легитимизирует себя путем включения в имеющую авторитет традицию, образ которой он создает, толкует и распространяет соответственно собственным нуждам. Изучение этого образа необходимо для изучения системы в целом. Настоящая статья является частным случаем многодисциплинарного исследования ждановского периода, предпринятого благодаря содействию швейцарского Национального научного фонда. Исследование опирается на количественный и качественный анализ корпуса, который включает журнал «Советская литература» на французском языке, советские «толстые» и некоторые другие журналы, издательскую статистику, а также французскую и швейцарскую периодику. Чехов — признанный великим классиком, характерен как пример функционирования всей системы, которая отводила ему особое место. По сравнению с другими классиками, он дает больше возможностей отойти от сугубо идеологической трактовки. Тем самым, он составил экспортный товар, распространение которого было призвано усилить на Западе восприятие социалистического реализма как богатой, гибкой и терпимой системы.

Tatiana Chakh-Azizova. Les Pitoëff, ou un Tchekhov franco-russe

On associe l'introduction en France du théâtre de Tchékhov à l'activité de Georges et de Ludmila Pitoëff dans les années 20—30. Ils ont non seulement fait aimer au public français la dramaturgie de Tchékhov mais ils en ont donné une interprétation, basée sur les spectacles tchékhoviens du Théâtre d'Art de Moscou. Mais les mises en scène des Pitoëff n'étaient pas une simple adaptation de la célèbre tradition moscovite. Leur interprétation tenait compte du lieu et de l'époque des représentations, elle portait l'empreinte des courants des années 20—30 et de la tradition théâtrale française. On peut en trouver la continuation, par exemple, dans les mises en scène d'après-guerre de Jean-Louis Barrault.

On examinera surtout le problème des sources de l'inspiration des Pitoëff (la tradition culturelle russe, le travail de G. Pitoëff dans les théâtres russes dans les années 1910; certains traits de leurs personnalités qui ont marqué l'atmosphère et le style de leur théâtre tchékhovien). On peut enfin citer certains traits «héréditaires»: une héroique abnégation au service de l'art, que l'on retrouve dans la génération précédente des Pitoëff qui à Tiflis ont été des mécènes semblables aux plus grands mécènes russes (Mamontov, Tretiakov, Stanislavski, Morozov). Tout ceci aide à comprendre les spectacles des Pitoëff, où les contemporains notaient un mélange de sobriété et de délicatesse, de caractère dramatique et de courage.

Anatoli Smelianski. Août 1937 (Paris, le Théâtre d'Art, Tchékhov)

Le programme du Théâtre d'Art de Moscou lors de sa tournée à Paris de 1937, à l'occasion de l'Exposition universelle, ne comportait pas de spectacle de Tchékhov. A cette époque, le théâtre était devenu, selon l'expression de Némirovitch-Dantchenko, le théâtre de l'univers intellectuel et moral de M. Gorki, univers qui avait en quelque sorte absorbé Tchékhov. Mais les critiques de l'émigration russe découvrirent combien les spectacles présentés s'écartaient des canons tchékhoviens et de la tradition classique de l'ancien Théâtre d'Art. Le nouveau style, et même la nouvelle diction de la troupe soviétique, furent perçus comme une atteinte portée aux canons tchékhoviens dont la mémoire était encore présente chez cette génération de spectateurs qui était disparue en Russie.

Cette rencontre à Paris du Théâtre d'Art et de son public d'avant la révolution eut des conséquences inattendues non seulement pour le théâtre mais aussi pour la tradition russe de la mise en scène de Tchékhov. C'est pour une bonne part sous l'influence de ces critiques que Némirovitch-Dantchenko conçut le projet de sa fameuse mise en scène des «Trois Soeurs» de 1940. Sur un théâtre gravement malade ce spectacle de Tchékhov fit l'effet d'une sorte de réanimation.

Клодин Амьяр-Шеврель. Французский театр и ранние пьесы Чехова

Как все его предшественники в русской комедии, Чехов заимствовал формы французского водевиля, который, в свою очередь, ведет развитие от более древних форм комедийного театра. Анализ одноактных пьес позволяет обнаружить приемы, которые Чехов заимствует, и то, как он их использует, приспосабливая к ситуациям и персонажам русского общества его времени. Показано также, как Чехов обнаруживает свою оригинальность. Ситуации не меняются из-за многочисленных и непредвиденных внешних препятствий, но в функции внутреннего препятствия в них выступает упрямство персонажей. Абсурд водевиля, изображающего человеческие недостатки, достигает размеров гротеска. В отличие от развязки «хорошо сделанной» французской пьесы, чеховские финалы-бегства, финалы-обмороки восходят к ситуации отъезда и напоминают пьесу Гоголя. Перипетии напоминают дурной сон или приступ безумия, внезапно прерываемые. Русский язык предлагает необходимые средства ритма и комизма. Среди французских авторов одноактных пьес, кажется, Куртелин стоит ближе всего к Чехову по своим гемам и приемам.

Tatiana Proskournikova. Rencontres avec Tchékhov (Mises en scène françaises 70—80)

On s'attache à montrer l'évolution de la perception des pièces de Tchékhov sur la scène française: Tchékhov, qui n'était à ses débuts en France, pour les gens de théâtre comme pour le public, qu'un peintre de «l'âme russe», est peu à peu devenu un auteur universel, de l'envergure et de la puissance d'un Shakespeare.

Outre des citations de critiques français, l'auteur donne ses impressions personnelles et une analyse critique de mises en scène («La Cerisaie» de P. Brook, «Ivanov» de C.Régy et de P. Romans, «Chroniques d'une fin d'après-midi» de P. Romans, «Les Trois soeurs» de M. Benichou).

Жерар Абансур. «Иванов». Нантер 1989, Сен-Дени 1990

Пьеса «Иванов» лишь недавно проникла на французскую сцену. Через сто лет после постановки в Петербурге она стала основой двух весьма различных спектаклей в двух престижных театрах Большого Парижа: театра Амандьер в Нантере и театра Жерара Филиппа в Сен-Дени. Первая из этих постановок, осуществленная Жаком Романом, стремилась сохранить классическую тональность, играя на контрасте между большой пластической красотой и бессилием Иванова, разъедаемого неврастенией. Во второй постановке Жак-Клод Фалль и Яэль Бакри, наоборот, прибегают к самому крайнему модернизму: мрачные декорации, абсурдные персонажи, Иванов, подавленный всеми тяготами человеческого существования. Перевод отражает это расхождение между двумя спектаклями. Независимо от вопроса об эстетической ценности выбора, сделанного в этих спектаклях, само их существование показывает, как Чехов и его персонажи входят сейчас в самую ткань французского театра.

Жорж Баню. «Вишневый сад» в постановках иностранцев

Нет ни одной значительной французской постановки «Вишневого сада», несмотря на то, что пьеса вызывает восхищение французской публики. В очерке рассматриваются четыре великих спектакля «Вишневый сад», сравнение которых выявляет как богатство текста, так и смелость постановок, осуществленных Джорджо Стрелером, Питером Бруком, Маттиасом Лангхофом и Анатолием Эфросом. Очерк дает сравнительный анализ этих четырех спектаклей и пытается определить их оригинальность: детство у Стрелера, безумная расточительность у Брука, гротескное видение у Лангхофа, смерть у Эфроса. Это те оси, на которых строится подход режиссеров, которыми организуется у них целостность произведения. Очерк ставит также проблему памяти театра и манеры обсуждения спектаклей, которых больше не существует. Забвение и память театра всегда зависят от интерпретаторов.